Les numéros en italiques renvoient aux titres des documents publiés sur le site internet de Contrat Social et réservés aux membres de l’association
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L’actualité, aujourd’hui, bien sûr, c’est d’abord l’Ukraine, et aussi l’élection présidentielle. Le premier point sera développé abondamment, le second plus discrètement (nous ne faisons campagne pour aucun candidat !), quoique tout de même avec quelques réflexions sur les institutions.
Mais d’autres sujets continuent d’évoluer en arrière-plan. Ils sont nombreux. Nous retiendrons ici d’abord, la crédibilité des scientifiques et la « culture woke », à partir à la fois des leçons du COVID et des incidents à Sciences-Po de Grenoble.
L’Ukraine et les conséquences de l’invasion Russe
On trouve de tout sur le sujet. Il n’est évidemment pas question d’excuser les crimes commis par les troupes russes sous l’autorité de Vladimir Poutine, ni de nier les résultats désastreux (pour ce dernier) auxquels ils conduisent : Comme le dit Contrepoint (2022_2_1) « En cinq jours de guerre, Vladimir Poutine a réussi à redonner vie à l’OTAN, à unifier l’Europe, à mettre fin à trente ans de pacifisme allemand, à anéantir tout le capital d’image qu’il avait mis vingt ans à développer parmi l’intelligentsia et la classe politique européenne, à sérieusement mettre en doute la crédibilité de son armée, à unifier l’Ukraine derrière un improbable président, un pays dont il niait encore l’identité quelques jours avant l’invasion, à pousser la Suède et la Finlande à accélérer leur intégration à l’OTAN et, pire que tout, à redonner un sens et une raison d’être à une Europe, voire à un Occident tout entier, qui les avait perdus depuis longtemps....
Il faut cependant essayer de comprendre, comme le dit Edgar Morin (à plus de 100 ans !) dans Ouest France (2022_2_2) : « Il ne suffit ni de s’indigner ni de s’engager. Il faut savoir dans quel monde nous sommes. C’est ce que tous les grands penseurs comme Karl Marx, même s’il s’est trompé, ont voulu faire. Il faut faire un diagnostic correct de l’homme dans le monde et dans l’histoire actuelle. Avant l’engagement, avant l’indignation, il faut comprendre. ». Son analyse pointe les erreurs des occidentaux qui ont inutilement humilié la Russie après la chute du mur de Berlin. C’est un point à considérer... L’un des problèmes auxquels nous devrons faire face dans les prochains mois sera de trouver les moyen de sauver la face de Poutine, comme du reste s’y efforce le président Ukrainien actuel -et c’est tout à son honneur ! .
Cela dit, tout le monde n’est pas d’accord avec cette analyse : Ainsi Martin Gurri dans Alantico (2_2_4) soutient au contraire que les démocraties occidentales ne doivent pas chercher à sauver la face de Poutine, car il a bien cherché ce qui lui arrive...
En attendant, l’une des surprises causées par cette affaire est la médiocrité de l’armée russe, avec ses camions immobilisés faute d’essence, et ses troupes affamées (22_2_3) : sans doute, dans les académies militaires Russes ; on ne lit pas assez Xénophon : cet auteur du 5ème siècle avant l’ère chrétienne expliquait déjà que le B.A.BA de l’art militaire, c’est de savoir assurer le ravitaillement des troupes...
Enfin, pour terminer sur le sujet de l’Ukraine, il reste un mystère à élucider : pourquoi les plus farouches opposants au passe sanitaire anti-covid sont-ils en même temps souvent parmi les rares partisans de Poutine en France ? Contrepoint (2022_2_0) tente d’aborder le problème, mais sans y parvenir...
Les conséquences alimentaires et écologiques
Reste que les conséquences sont graves, et que nous commençons à peine à nous en rendre compte.
Paradoxalement, l’une des plus graves est écologique. La production de blé de l’Ukraine (25 millions de tonnes) représente près de 15% du commerce mondial du blé (185 millions de tonnes). Il est clair que si cette offre venait à disparaître, cela conduirait à d’énormes variations de prix pour ce produit dont la demande est rigide. Beaucoup d’autres produits agricoles sont dans la même situation. En conséquence, tous les gouvernements du monde sont actuellement en train de rechercher les moyens de faire face à la pénurie, comme le montre Thomas Azcarate dansVegetable (22-2-4), qui évoque pour cela la possibilité d’instituer en Europe un système de « food stamps » comme aux Etats Unis (les Américains pauvres reçoivent des sortes de bon d’achat ainsi appelés, à utiliser dans des magasins spécialisés) .
Une autre solution serait d’augmenter la production de denrées alimentaires de toutes sortes, et, pour cela, de lever les obstacles à l’utilisation des engrais et des pesticides, comme le proposent plusieurs syndicats et ONG agricoles dans Agri-Mutuelles (cf 22_2_5). Cette proposition reçoit un accueil favorable de diverses organisations, à l’exception, évidemment, des écologistes. Cela en tout cas met en évidence que les politiques « écologiques » seront des victimes collatérales de la guerre en Ukraine...
Aussi bien, il est tout de même peu probable que toute la production Ukrainienne disparaisse des marchés, d’autant que, en ce mois de mars, les récoltes de 2021 sont faites, et les semis de 2022 encore en devenir. Mais les marchés raisonnent souvent de façon irrationnelle, de sorte que de grands écarts de prix sont tout à fait vraisemblables.
Les conséquences financières et économiques
Plus grave sans doute seront les conséquences de la « guerre économique » engagée contre la Russie par le monde occidental. Car s’il est facile de faire des annonces, il est plus difficile de se passer du jour au lendemain des facilités que l’on s’était offertes sur des bases de réciprocités.
Christophe Bouillaud, dans Atlantico, (cf 22_2_9 ), ainsi que Loïc Le Floch Prigent dans le même périodique (22_02_06) illustrent ce propos : il va falloir abandonner des marchés (par exemple, ceux des riches oligarques Ruses), revenir à une certaine forme de militarisme, éviter de commercialiser trop de produits high tech hors de nos frontières...Cela sera sans doute plus facile à la France qu’à l’Allemagne, qui avait clairement fondé une partie de sa prospérité sur une ostpolitik d’ouverture à l’est. Mais ce ne sera pas simple quand même...
Jean-Marc Sylvestre, dans Atlantico Business, poursuit dans la même ligne (22_2_8) de façon plus complète : Certes, l’idée est séduisante, qui consiste à toucher si profondément le peuple Russe qu’il s’en prendra à ses dirigeants. Ainsi, le blocage des comptes swift qui facilitaient les échanges entre les banques va aussi engendrer d’innombrables difficultés pour les Russes de base, qui vont manquer de liquidités et dont, peut-être, certaines cartes de paiement vont se trouver annulées... Quant aux « oligarques », ils auront leurs comptes bloqués en Occident, et cela peut les gêner gravement. Mais il n’est pas sûr que le peuple de base, en Russie, ait voix au chapitre, et même le rôle exact des « Oligarques » et leur pouvoir réel reste à déterminer.
Et puis (et surtout), par ricochet, ces mesures pénalisantes pour les Russes le seront aussi pour les occidentaux. L’affaire du gaz Russe à payer en roubles et non en dollars illustre trop bien ce propos : même si nous faisons tous nos efforts pour nous passer de cette denrée, nous en aurons besoin encore quelque temps. Et comment trouverons nos des roubles si nous refusons de vendre quoique ce soit aux Russe ? Il y a là une merveilleuse illustration de la théorie économique des avantages de l’échange ! Elle devrait rester dans les manuels au cours des prochaines années...
Et non seulement les occidentaux, mais aussi la Chine, comme montre Marie Françoise Renard dans Atlantico (cf 2022_2_7) avec un titre accrocheur qui parle de « Carnage financier ». En fait, en lisant bien ce document, on voit bien que la forte baisse des valeurs boursières à Hong-Kong est sans doute plus la conséquence de problèmes internes à la Chine que de la crise en Ukraine. Mais celle-ci joue aussi, car « les financiers n’aiment pas l’incertitude ». Or si l’incertitude sur la façon dont la Chine va gérer ses liens avec la Russie existe bien, car si cette dernière lui est bien utile, l’Amérique le lui est tout autant. De la sorte, et même si le précédent de l’Ukraine (s’il avait été un succès pour la Russie) aurait pu être invoqué pour investir Taïwan, dans la situation actuelle, il apparait sans doute aux dirigeants chinois plus utile de se tenir « à carreau ».
L’élection présidentielle et les institutions
L’élection présidentielle devrait bien sûr attirer tous les regards. Il n’en sera guère fait mention ici, car nous tenons à rester à l’écart de toute polémique.
Il parait cependant utile de mentionner un point particulier. Les jeunes, dit-on, ne s’impliquent pas beaucoup dans la campagne présidentielle, et certains le déplorent. Et pourtant, comme le montre Yannick Chatelain dans Contrepoint, (cf 22_2_10) une nouvelle « application », Elyse, fait fureur sur internet. Sa raison d’être est d’une part de rendre accessibles et compréhensibles au plus grand nombre les programmes des candidats, et d’atteindre une cible jeune afin de l’intéresser à la chose publique. Souhaitons-lui de réussir !
Peut-être faudrait-il dire un mot de « l’affaire Mc Kinsley » (cf 2022_2_14). Le monde politique s’insurge contre l’utilisation de cabinets-conseil privés par des autorités politiques alors que ces derniers devraient se reposer sur les données fournies par l’Administration. En plus, lesdits cabinets ne pairaient pas leurs impôts ! On a cependant ici l’impression d’une manœuvre analogue à celle de « l’emploi fictif » de l’épouse de François Fillon lors de la dernière présidentielle. Cela peut réussir. Mais d’autres sujets plus profonds liés aux institutions intéressent aussi la presse ce trimestre, et méritent plus de développement.
Antoine Reverchon dans Le Monde (cf 2022_2_12) publie un long interview de Stephen Marglin sur les rapports entre l’Etat et l’économie libérale. Steve Marglin est peut-être l’un des derniers survivants de l’époque Keynésienne, et en tout cas, un très grand économiste. Il s’insurge contre le libéralisme débridé de ces dernières années, affirmant que « Le capitalisme ne promeut le bien commun que lorsque la main invisible est maîtrisée par la main très visible de l’Etat ».
Il est difficile ici de résumer ce document complexe, qui mêle des appréciations (pas toutes flatteuses, loin s’en faut !) sur la classe politique actuelle aux Etats Unis et des considérations de haute volée sur l’histoire de la pensée économique. On ne peut que recommander aux personnes intéressées de lire l’ensemble du document, qui témoigne en tout cas d’un sérieux retour en arrière de la pensée contemporaine vis à vis de la pensée libérale qui a dominé le monde depuis le début du siècle.
Enfin, dans la même ligne, toujours dans Le Monde (2022_2_15) , Anne Chemin publie un réquisitoire contre l’héritage, à ses yeux (et ceux de Thomas Piketty, qui l’inspire manifestement) responsable des inégalités les plus criantes. Au passage, on trouvera dans cet autre long document une véritable histoire des idées sur l’héritage qui mérite considération, même si l’on ne partage pas forcément les conclusions finales de l’auteur.
En tout cas, la généalogie des fortunes montre que celle acquise par un aïeul est souvent dissipée en quelques générations, cependant que, comme disait Keynes dans son traité des probabilités, les millionnaires ne sont, généralement, que des fous chanceux qui, contre toute attente, ont pris le dessus sur d’autres fous moins chanceux... (Keynes, après avoir perdu toute la richesse léguée par ses parents, avait fini par reconstituer une grosse fortune à partir de ce qui lui restait de sa déconfiture).
Les retraites
La réforme des retraites était au programme d’Emmanuel Macron il y a cinq ans. Mais l’affaire était beaucoup plus compliquée qu’il ne le croyait, et nous sommes pratiquement revenu à la case départ... Contrat Social y a beaucoup réfléchi, peut-être pas assez...En tout état de cause, deux articles récents relancent le débat.
Dans Contrepoint Jacques Bichot (2022_2_18) et Pierre Allemand (2022_2_17 ) reprennent les choses à la base, et discute des mérites respectifs de la répartition et de la capitalisation. Bien sûr, la capitalisation, système par lequel le jeune actif épargne pour sa retraite, et se constitue un pécule qui permettra de la financer avec les intérêts acquis, semble beaucoup plus rationnelle. Mais c’est compter sans les vicissitudes du sort et les incertitudes de toute sorte. Il se peut très bien que les actifs ainsi laborieusement constitués disparaissent dans une guerre ou une crise économique. Il y a eu de nombreux précédents !
L’autre solution consiste à faire payer les retraites de l’année n par les actifs de cette même année. C’est évidemment plus sûr à court terme. Cependant, un tel système est susceptible d’enclencher de terribles guerres entre les « jeunes » et les « vieux ». En plus, on perd le bénéfice du capital réel que les sommes correspondantes (qui ne seront évidemment pas restées inactives !) auront permis de financer.
Ces raisonnements sont intéressants, mais n’épuisent pas le sujet. En particulier, rien ne dit que le marché des capitaux sera incapable de produire, avec la répartition, la même quantité de capital réel que le système de la capitalisation. Il suffira pour cela de mobiliser les accroissements d’épargne que les « vieux » (ou futurs « vieux ») pourront se permettre du fait de l’absence de soucis pour leur avenir... et finalement, c’est beaucoup plus « libéral », chaque génération décidant pour elle-même, sans être prisonnière des précédentes ou des suivantes...La question reste donc ouverte... C’est pourquoi Jacques Garello, toujours dans Contrepoint (2022_2_19) propose de conjuguer les deux systèmes, avec un zeste de répartition et un autre de capitalisation - ce qui est plus ou moins ce qui fonctionne aujourd’hui, il est vrai plutôt mal que bien...
La crédibilité des scientifiques et le wokisme
Qu’il s’agisse du réchauffement climatique, du COVID, des pesticides, des disponibilités en eau, et de bien d’autres sujets, jamais la Science (avec un grand S !) n’a aussi souvent été invoquée que dans le débat public contemporain. Cette chronique s’en est déjà souvent faite l’écho. En même temps, ce succès même de la « pensée scientifique » entraîne la prolifération de scientifiques autoproclamés, qui n’ont de savant que la prétention.
Philippe Stoop dans European Scientist (22_2_21) en donne une illustration frappante à propos du Glyphosate, cette substance désherbante qui, encore tout récemment, était largement utilisée en agriculture, mais aussi dans les jardins d’agrément, et dont la prohibition, pour des raisons assez obscures, est actuellement exigée et souvent obtenue par les écologistes, en particulier dans l’Union Européenne.
Aucun scientifique ne lui a jamais trouvé de pouvoir toxique chez l’homme ou chez les animaux (boire du glyphosate, cela n’est pas plus dangereux que boire de l’eau de mer, disait récemment un confrère de l’Académie d’Agriculture). Cependant, comme il est produit par l’ignoble Monsanto (une grande firme américaine de produits chimiques, qui fut le producteur de l’ « agent orange » autrefois utilisé comme défoliant pendant la guerre du Viet-Nam), il est dans le collimateur écologiste. Un article publié dans la revue Environemental Science and Pollution Research (en principe, une revue scientifique « à comité de lecture » - ce qui signifie que le manuscrit, avant publication, a été lu par les « experts » (dits reviewers) du comité qui en a validé les conclusions) trouve que plus de 80% de personnes « volontaires » (pour participer à l’étude) ont du glyphosate dans les urines...
Naturellement, le fait d’avoir du glyphosate dans les urines n’est pas la preuve que l’on en est intoxiqué (les volontaires, aussi bien, ne semblent pas s’en porter plus mal), mais simplement que l’on a été en contact avec le produit. Par ailleurs, les cobayes « volontaires », parfaitement informés de l’enjeu, ont pu prendre la précaution d’avaler un peu de glyphosate juste avant le test. Surtout, dans une lettre collective, un groupe de chercheurs spécialisés en la matière critiquent la méthode d’analyse utilisée, qui devrait trouver du glyphosate à peu près n’importe où, comme l’or dans la fameuse pièce de Jules Romain Donogoo Tonka... Comment tout cela a-t-il pu échapper aux reviewers, les experts relecteurs supposer assurer la « scientificité » de ce travail ? évidemment, parce que ces membres du « comité de lecture » étaient de mèche avec les auteurs et ne s’en sont pas vantés...
Cet exemple montre en tout cas dit Philippe Stoop, que les fameuses « revue à comité de lecture » peuvent être manipulées comme n’importe quel autre périodique, et ne sauraient être considérées des « garants de vérité » comme le vulgum le croit trop souvent.
L’ histoire est anecdotique... mais elle reflète une réalité : la Science est en train d’être confisquée par des idéologues peu scrupuleux, qui s’en servent comme d’un moyen pour prendre le pouvoir qu’ils recherchent... et ils y arrivent souvent : par exemple, dans le cas du glyphosate, son usage est maintenant interdit en France, au grand dam de beaucoup d’agriculteurs... peut -être les évènements d’Ukraine vont-ils conduire à le ré-autoriser, puisque maintenant, semble-t-il, l’heure est à l’augmentation de la production agricole nationale...
Encore s’agit-il ici d’une controverse très technique (néanmoins susceptible d’affecter la vie quotidienne de milliers de gens !) au sein d’une science « dure ». C’est encore bien pire dans les sciences « molles » que sont en particulier les sciences sociales. L’aventure de Klaus Kinzler, cet historien de Sciences Po de Grenoble, évincé de son poste par une camarilla d’étudiants et d’autres professeurs, en témoigne. Il l’a raconté dans un livre récent, L’islamo-gauchisme ne m’a pas tué, dont Johan Rivalland en donne un résumé dans Contrepoint (22_2_23).
L’histoire au départ est assez misérable : Kinzler participe à un colloque sur « le racisme, l’islamophobie et l’anti sémitisme ». Il se permet de remarquer que si « racisme » et « antisémitisme » sont des concepts bien établis et parfaitement clairs, « l’islamophobie » est une notion ambiguë, dont la signification exacte mériterait d’être précisée : il peut s’appliquer à l’islam en tant que religion, ou seulement aux dérives du « djihadisme ».
Mais cela n’arrange pas les militants des mouvements « woke », soucieux de mettre tout le monde dans le même panier...Et le voici dès lors l’objet d’une campagne de diffamation et d’injures publiques... Plus grave encore, loin de le défendre, la direction de Sciences-Po de Grenoble entreprend de s’en débarrasser... Il est donc bien clair que Science-Po de Grenoble est une institution « politiquement correcte », qui s’interdit toute interrogation sur la pertinence de tout mot politiquement chargé... Nous sommes bien loin du « balancement circonspect » que l’on disait cher à André Siegfried !
Naturellement, ces luttes de pouvoir au sein des instances scientifiques, ne contribuent pas à la crédibilité des scientifiques, ni à celle des gouvernants : Jérôme Barrière dans Atlantico (22_2_22) montre que « la crédibilité de la parole publique est l’autre victime indirecte » non seulement du COVID, mais aussi de la perte de crédibilité des recommandations scientifiques... Et cela se traduit par des différences impressionnantes dans les courbes de mortalités publiées par Guy André Pelouze dans Atlantico (22_2_24) , ou la France n’est pas vraiment en bonne place !
La fin de l’opération Barkhane et la France en Afrique
Quittons la France pour terminer en Afrique, avec la fin de l’opération « Barkhane ». Certes, l’affaire n’est pas terminée, et, en tout cas, le retrait de Barkhane du Mali est moins pitoyable que celui des État-Unis en Afghanistan. Mais il est quand même évident qu’il s’agit d’un échec de la France. Il est un peu surprenant qu’il n’en soit pas question dans la campagne électorale. En tout cas, il faut en tirer les leçons.
Deux documents tentent de le faire. Le premier (2022_2_21) est de Mediapart, sous la signature de Justine Brabant et de Rémi Carayol. Il est féroce, pointant le mépris des autorités françaises pour celles du Mali, les erreurs stratégiques de l’armée française, qui s’est d’abord appuyée sur les Touareg de l’Azawad (à la fureur des Maliens du sud !), puis les a laissé tomber, etc. Il n’en souligne pas moins une certaine naïveté tant des civils impliqués que des militaires. Il ne s’intéresse qu’au Mali, ce qui est probablement insuffisant, car le problème concerne en fait tous les états du Sahel, à l’exception peut-être de l’Ethiopie. .
Le second (2022-2_20), publié dans Hérodote est le résumé par André Larané d’un ouvrage de Serge Michaïlof . Il est plus nuancé, et surtout plus profond.
Une bonne partie des problèmes de cette région y vient de la difficulté de faire coexister de petits cultivateurs sédentaires avec des Touaregs et les Peuls, bergers nomades transhumants, dont les troupeaux ravagent souvent les cultures des premiers, cependant que les djihadistes étrangers cherchent à tirer les marrons du feu en montant les uns contre les autres. C’est ainsi que les Touaregs, qui supportaient mal la tutelle des Bambara sédentaires réussirent en 2012 à proclamer l’indépendance de l’Azawad (le nord Mali). Mais ils furent rapidement supplantés par les djihadistes, qui s’apprêtaient à s’emparer de la capitale Bamako.
L’ «opération Serval » décidée par François Hollande permit d’éviter cette issue, mais elle fut bien imprudemment prolongée par Barkhane, qui se trouva au centre de multiples coups d’état et luttes d’influence. Les efforts français pour promouvoir une démocratie formelle peu réaliste dans cette ambiance n’aboutirent qu’à exacerber les passions et à compliquer le jeu.
Michaïlof regrette que « l'Afrique post-coloniale ne se soit pas davantage inspirée du modèle Suisse, avec ses cantons à l'échelle d'une ethnie, plus proches des réalités africaines ». Il déplore aussi l'inefficacité de l'aide occidentale, tant celle des États que celle des ONG, trop souvent à base d’ « éléphants blancs » (les « grands projets ») sans rapport avec les réalités du pays... Et surtout, il s’inquiète des conséquences de ces difficultés rurale pour les villes où se trouvent à la fois des paysans sans terre victimes de l’accroissement démographique et vivant sur des tas d’ordures, et des « riches » au mode de vie occidental qui souvent n’en mènent pas large... C’est une situation explosive, qui pourrait conduire à une vague sans précédent d’immigration en Europe...
Il y aurait beaucoup à dire sur ces sujets, évidemment, et cela pourrait être l’objet de discussions au sein de Contrat Social.
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Mais il faut nous arrêter ici... Nous nous retrouverons pour la prochaine chronique sociétale, avec un Contrat Social renouvelé sous la présidence de Antoine Delarue.
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