Les numéros en italiques renvoient aux titres des documents qui seront prochainement publiés sur le site internet de Contrat Social et réservés aux membres de l’association
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Entre élection présidentielle, élections législatives, et guerre en Ukraine, l’actualité est très riche et changeante ce trimestre, si riche qu’il est impossible d’en rendre compte dans cette modeste note. Pour ne pas trop l’allonger, on ne donnera pas ici d’analyse des trois derniers « posts » placés sur le site de Contrat Social : « La parenthèse boomer » de François de Closet, verbatim de François Cornevin, posté par J.C. Angoulvant ; L’élection n’est plus qu’un permis de gouverner de Pierre Rosanvallon, verbatim de J.C. Angoulvant, et La géographie reste le clivage politique majeur, texte proposé par J.C. Angoulvant : ils se suffisent à eux mêmes.
On commencera directement par la guerre en Ukraine et ses conséquences à long terme. Celles-ci concernent entre autres les marchés céréaliers, avec un impact tout particulier sur les pays du sud de la Méditerranée, ce qui nous conduira à des réflexions sur l’avenir de la libéralisation en la matière. Dans la foulée, il faudra dire un mot de la « colonisation » de l’Afrique subsaharienne par la Russie....
Un autre aspect de ces conséquences porte sur l’industrie nucléaire : nous commenterons un long article « anti-nucléaire » de la revue terrestre qui pointe, à propos des centrales ukrainiennes, les dangers des « situations de guerre ». Nous rebondirons sur ce sujet pour évoquer l’avenir énergétique, et les nouvelles techniques « décarbonées » qui apparaissent dans de nombreux domaines.
Le sujet sera élargi aux relations entre la Science et la Société, relations qui ont fait dans la presse ce trimestre l’objet de pas mal de réflexions de première importance. Puis nous reviendrons à l’actualité avec quelques mots sur divers problèmes constitutionnels qui pourraient faire surface dans les prochains jours, ainsi que sur les retraites... .
1/ La guerre en Ukraine : la situation
Mediapart, d’abord (22_3_4) , analyse assez complètement les erreurs de Vladimir Poutine, en particulier, avoir été trop confiant dans son armée, et trop optimiste sur l’enthousiasme des populations ukrainiennes à accueillir les Russes. Il s’agit là d’évidences, mais qui n’ont pas d’impact direct sur l’avenir, sinon pour remarquer qu’il sera bien difficile à la Russie de reconnaître ces erreurs et d’en tirer les conséquences.
Il est plus intéressant de réfléchir, comme Atlantico (22_03_08), sur l’idéologie de l’intéressé, et sur ses chances de l’imposer aussi bien en Ukraine que dans le reste du monde. Selon Jérome Pellistandi et Florent Parmentier, Vladimir Poutine serait imprégné de l’idée qu’il faut sauver l’Europe de la décadence, et, pour cela, la soumettre à l’orthodoxie russe, la seule idéologie politique qui vaille... Elle s'inscrit dans une pensée conservatrice qui se développe en Russie, et qui avance que l'Europe, en refusant ses valeurs chrétiennes, tourne le dos non seulement à son passé, mais également à son propre avenir. Une religion chassant l’autre, nous voilà revenus à une forme chrétienne de communisme messianique ! En tout cas, comme nous l’apprend l’histoire des guerres de religion en France, une telle orientation politique ne présage pas un retour rapide à la paix !
Aussi bien, nous dit le Général Pellistandi, les Russes n’ont maintenant plus les moyens militaires de faire la guerre à l’Europe. Mais ils vont s’efforcer de renverser la vapeur avec l’aide de la « propagande » et des réseaux sociaux. En vérité, ici encore, pour l’instant, leurs efforts ne semblent pas couronnés de grands succès... Et quant à gagner la guerre contre l’Ukraine, ce n’est pas non plus évident, nous dit l'historien militaire Eliot A. Cohen interrogé par l’Express ( 22_03_11) , qui pointe les lacunes du commandement russe, qualifié de « lamentable ». Dès lors, comment les choses peuvent-elles évoluer ?
Le pire est encore à venir prédisent Viatcheslav Avioutskii , Michael Lambert et Françoise Thom interrogés pas Atlantico (22_03_11) : Vladimir Poutine ne peut pas perdre la guerre... Il pourrait aller jusqu’à l’escalade atomique si les choses se mettaient à aller trop mal pour lui... Par ailleurs, le peuple russe est isolé de toute information extérieure, et n’a aucun moyen de se rebeller...On ne peut prévoir qu’une aggravation de la situation à la mesure même des succès ukrainiens... Il faut espérer que ces trois auteurs se trompent, car cela n’a rien de réjouissant !
Hélas, une dernière objection à l’optimisme vient de la Transnitrie, comme le signale Jean-Sylvestre Montagnier dans le Figaro (22_03_10). La transnitrie est un petit morceau de la Moldavie, elle-même un état anciennement soviétique (elle avait été conquise par Staline sur la Roumanie à l’époque du pacte Germano-Soviétique, et conservée par lui en 1945) au sud de l’Ukraine, entre l’Ukraine et la Roumanie. La Moldavie avait eu son indépendance à la chute du mur de Berlin, mais il y a toujours en Transnitrie (un pays sans doute plutôt pauvre !) un parti prorusse qui rêve d’être rattaché à Moscou... C’est pain bénit pour Poutine, qui se verrait bien annexer la Transnitrie, et, au passage, pour pouvoir s’y rendre par terre, tout le sud de l’Ukraine avec le port d’Odessa...
Et pour finir, signalons, avec Fabien Magneloup de France info (22_03_26) un problème a priori trivial, mais qui pourrait faire beaucoup de dégâts dans l’avenir : celui des armes de toutes sortes qui tombent entre les mains des populations soucieuses de se défendre, et qui, un jour ou l’autre, termineront entre les mains de malfrats sans scrupule, comme c’est arrivé il y a vingt ans avec la guerre en Yougoslavie (laquelle a fourni tout ce qu’ils pouvaient désirer aux réseaux islamistes ....).
2/ La guerre en Ukraine, l’alimentation du Monde et la politique agricole
Une des conséquences majeures de cette guerre qui se déroule en Ukraine concerne l’approvisionnement du monde en céréales, ainsi que - dans une moindre mesure - en oléagineux. Ensemble, l’Ukraine et la Russie représentent 30 à 40 % des quantités de céréales échangées sur les marchés internationaux. C’est énorme, même si l’on note tout de même que le blé, même s’il est la céréale majeure en Europe et dans les pays autour de la méditerranée, ne représente qu’une faible fraction de la consommation alimentaire d’autres régions du monde, axées sur le riz.
. Or le blocus des ports de la mer Noire ralentie les exportations russes et ukrainiennes. Sans doute peuvent-ils continuer à exporter par rail. Mais - outre que les écartements des voies ne sont pas les mêmes entre l’Europe et la Russie ou l’Ukraine, ce qui implique un transbordement - la plupart des clients (Égypte, Maghreb, Afrique noire...) se trouvent outre-mer... Et cela ne se limite pas à la production directe : on découvre à cette occasion que la Russie fournit une part significative des engrais minéraux consommés dans le monde, et qu’une pénurie d’engrais cette année peut signifier une baisse de production l’an prochain dans tous les pays développés (et même certains pays « en développement !). Il n’est pas surprenant que, dans ces conditions, les prix explosent.
Emmanuelle Ducros, dans un document de la fondation Robert Schuman (22_03_13) détaille ces problèmes, et en tire les conclusions : d’abord, cette dépendance des marchés alimentaires à la Russie et à l’Ukraine est relativement récente : elle n’existait pas au début des années 2000. Mais depuis, les deux belligérants ont augmenté leur production de façon considérable, cependant que l’Union européenne et les États-Unis n’accroissaient pas les leurs : en 2001, la Russie produisait 36 millions de tonnes de blé et n’en exportait quasiment pas. En 2020, la production dépassait 80 millions de tonnes ; 35 millions de tonnes vendues comptaient pour 21% des flux mondiaux... et la même évolution se produisait en Ukraine... Pendant ce temps, les productions de l’Union européenne et des États-Unis augmentaient légèrement, mais beaucoup moins que les précédentes...
. Et cela est une conséquence des politiques agricoles, au moins en ce qui concerne l’Europe : la pression a monté sur les agriculteurs pour leur faire diminuer leurs doses de fertilisants et de pesticides, réduire leurs surfaces par la « jachère obligatoire » et toute sorte de règlements similaires édictés au nom de l’ « écologie ». Ce que Thierry Pouch, dans un document de l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture (22_03_14) qualifie de « désastre » : car les pays importateurs cités plus haut vont se trouver déstabilisés, ce qui n’est sûrement bon pour personne... On verra bien !
3/ De la guerre en Ukraine aux choix nucléaires
Indépendamment des gesticulations autour de l’emploi de l’arme nucléaire, une autre conséquence de la guerre en Ukraine se trouve dans le rôle qu’elle joue dans les campagnes visant soit à empêcher le développement de l’industrie nucléaire, soit au contraire à la promouvoir....
Un document exemplaire de ce point de vue est probablement celui publié par Bérengère Bossard et Aurélien Cohen dans la revue Terrestre (22_03_16). Il est un peu long à lire, mais argumente autour de l’idée que l’on n’a pas fait le tour de toutes les causes possibles d’accident grave. De fait, toutes les mesures de sécurité en vigueur dans les centrales nucléaires sont basées sur l’hypothèse d’une société qui fonctionne bien, et, par conséquent, ne prennent pas en compte l’hypothèse d’une guerre au cours de laquelle une soldatesque irresponsable prendrait le contrôle d’une telle centrale, et neutraliserait tous les systèmes de sécurité. C’est justement ce que l’on a pu craindre lorsque l’armée russe a pris le contrôle de Tchernobyl, de sinistre mémoire (à noter, du reste, que dans le cas de l’accident de Tchernobyl, ce n’est pas une soldatesque irresponsable, mais le personnel même de la centrale qui avait neutralisé les systèmes de sécurité, « pour voir ce qui se passerait » . Ils ont vu !...).
Les arguments développés dans Terrestre sont sérieux. Cela dit, d’abord, l’expérience montre justement que la soldatesque russe, si médiocre et mal commandée qu’elle soit, a bien pris conscience du danger, et a agi en conséquence. Mais ensuite et surtout, personne n’a jamais dit qu’un accident ne pourrait jamais se produire dans une centrale nucléaire. En vérité, la démonstration d’une telle affirmation est logiquement impossible. En revanche, ce que l’on sait, c’est que la probabilité d’un tel accident est très faible, au point que les chances pour un citoyen de base d’y perdre la vie sont des dizaines de fois inférieures à celle d’être tué en traversant la rue devant chez lui. Comme tout le monde traverse presque tous les jours la rue devant chez soi, on ne voit pas pourquoi il faudrait se priver de prendre un risque infiniment plus léger pour se doter d’une source d’énergie inépuisable.
Et c’est bien pour cette raison, comme le note Eric Chol dans l’Express (22_03_17), que les écologistes finlandais viennent de se rallier à l’idée de développer l’énergie nucléaire pour éviter la dépendance de leur pays aux livraisons russes...
Une autre dimension de la problématique « nucléaire » concerne les disponibilités en uranium... Ce sujet n’était pas, jusqu’à tout récemment, au premier plan des préoccupations. Il y revient maintenant. Et c'est à nouveau, la revue Terrestre (22_03_15) qui monte au créneau, sous la plume de Hélène Claudo-Hawad. Sans vraiment poser le problème de la disponibilité finale d’uranium à la surface de la Terre, cette dernière fait valoir que les mines d’uranium sont très dangereuses. Elle cite l’exemple des mines sahariennes en République du Niger, qui ont dévasté les modes de vie traditionnels des Touaregs... Les faits qu’elle rapporte sont probablement exacts, et ne sont pas à l’honneur des sociétés qui ont exploité ces ressources. Cela dit, la vie traditionnelle des Touaregs, qui poussent leurs troupeaux dans la savane, est-elle vraiment ce que l’on peut rêver de mieux ? Et ne pourrait-on justement pas profiter de cette opportunité pour leur permettre d’accéder à un mode de vie préférable ? La question pourrait se poser !
Irène Inchauspé et Muriel Motte, dans Le Point (22_03_17) posent, elles, le vrai problème : n’y aura-t-il pas une pénurie d’uranium comme on a craint, récemment, une pénurie de pétrole ? Leur réponse est sans ambiguïté : de l’uranium, il y en a, y compris en France, et pour des dizaines d’années, même en cas d’accroissement significatif de la consommation... et puis dans le long terme, les réacteurs à « fusion » devraient permettre de s’en passer, cependant que les « surgénérateurs » (on a eu bien tort d’en supprimer les essais en France sous l’impulsion des « écolos ») permettraient d’utiliser les combustibles usés pour en produire...
Et de toute façon, il n’y a pas le choix : si l’on veut réduire les émissions de gaz à effet de serre, nous dit Christian Sempé dans l’ European Scientist (22_03_19), il faudra bien en passer par le nucléaire, comme le montre l’exemple de l’Allemagne dont les citoyens ont refusé le nucléaire, et dont les performances écologiques sont lamentables, alors même que la crise ukrainienne les prive du gaz russe...
4/ Les techniques « décarbonnées » en développement
De façon très indépendante des considérations précédentes se poursuit l’éternel débat sur les moyens de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Il ne s’agit plus cette fois du long terme, mais de l’immédiat : comment convaincre les utilisateurs de renoncer à leur voiture, à leur chauffage au mazout, ou à leurs voyages en avion ?
Sans surprise, une première réponse est purement législative et sans doute bureaucratique : Il faut « bannir la voiture des villes », nous dit Ariane Schwab de France Info (2022_3_1), en créant de nombreuses zones interdites aux voitures... et elle nous donne de nombreux exemples d’endroits où « cela marche », en particulier en Italie. On verra bien !
Beaucoup plus subtil est un article de Mathieu Jublin dans Alternatives économiques (2022_3_2) sur la « taxe carbone ». Celle-ci présente l’avantage de laisser au consommateur le choix de payer ou ne pas payer la taxe, et donc un minimum de liberté.
Cependant, il y a beaucoup de manières de mettre en œuvre une pareille politique : par exemple, la Communauté européenne a entrepris de taxer les marchandises importées en fonction des émissions de gaz à effet de serre associées aux techniques mises en œuvre pour les fabriquer. C’est une sorte de protectionnisme écologique, mais qui ne peut avoir que des effets assez faibles sur les décisions prises par les fabricants étrangers. La taxe française serait plus complète, et toucherait les industriels et les agriculteurs français. Elle poserait quand même le même problème que la tentative d’instaurer une taxe sur le gas-oil, qui a déclenché la crise des gilets jaunes. Une façon d’évacuer ce problème serait d’affecter le produit de la taxe au soutien des plus bas revenus...
En plus, l’effet d’une telle taxe est difficile à prévoir, car, de toute façon, il faut que les intéressés aient les moyens techniques et pratiques de l’éviter : ainsi, elle pourrait inciter les automobilistes à s’équiper de voitures électriques, mais cela ne pourrait se faire que s’il existait partout des bornes de recharge rapides...
On le voit, ce document mérite d’être lu et médité...
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5 / La dictature scientifique
D’une façon plus générale, cet épisode est une illustration d’un phénomène plus inquiétant, qui est la tendance de beaucoup de scientifiques à prétendre exercer une sorte de magistère sur beaucoup de questions de société. Ce n’est pas complètement nouveau : Malthus avait commencé au début du 19e siècle. Mais le problème prend de nos jours une dimension effrayante, avec le Covid, le GIEC et toute l’actualité similaire.
Le point commun de toutes ces activités est de terroriser les populations avec des prévisions inquiétantes, basées sur des raisonnements d’apparence « scientifique ». Or trop souvent, ces « alertes » se révèlent sans beaucoup d’objets, quand elles ne sont pas carrément fausses. Et cela n’est pas bon, ni pour les citoyens, obligés à se conformer à des règlements absurdes, ni pour la science en général, qui se trouvera décrédibilisée par ses fausses prédictions....
Ce trimestre, Contrepoint (22/03/27 ) décortique le « rapport Meadows », publié en 1972, il y a 50 ans. Il prévoyait la fin rapide - en tous cas avant 2020 - de presque toutes les matières premières indispensables à la vie moderne. Or ce seuil a été largement dépassé, et même si nous avons quelques soucis avec la guerre en Ukraine, nous sommes manifestement loin de l’apocalypse annoncée…Les prévisions climatiques du GIEC subiront-elles le même démenti ? Ce n’est pas sûr, mais il ne faudrait pas être scientifique pour croire la chose impossible...
Or toutes ces « prévisions », à l’origine, n’étaient pas sans intérêt. Personne ne peut nier le sérieux de la quête de Robert Malthus à travers le monde, et ses prévisions, tout erronées qu’elles aient été, ont permis de mettre à leur juste place les progrès de l’agronomie au 19e - 20e siècles. Le « rapport Meadows » a au moins servi a affiner les « modèles » utilisés. Peut-être en sera-t-il de même avec les modèles climatiques du GIEC, ou les modèles épidémiologiques utilisés pour prévoir l’évolution du COVID. La difficulté vient de ce que beaucoup de « scientifiques » s’en servent pour assurer leur pouvoir, et régenter le quotidien des populations. On sort alors de la science pour tomber dans la politique...
Et on se retrouve alors dans la fameuse querelle de Karl Popper contre Platon : ce dernier, dans La République, voulait que la cité idéale soit dirigée par les « philosophes » (en fait les savants). Mais cela n’est pas souhaitable, disait Karl Popper (un célèbre philosophe des sciences autrichien du 20e siècle), car, du fait même qu’une théorie scientifique quelconque ne mérite ce nom que s’il est possible de la mettre en défaut, aucune d’entre elles ne peut prétendre à la vérité absolue, et par conséquent, au droit de diriger la Citée. La vérité scientifique ne se décide pas à la majorité des votants (et cela, même si la coutume de beaucoup d’organismes scientifico-politiques - y compris le GIEC - tend au moins vers cette façon de délibérer !).
Reste tout de même le fait que la Terre n’est pas plate, mais ronde, et que le cyanure de potassium est dangereux…et donc que les scientifiques ont quelque chose à dire. Mais il ne faut pas abuser même des meilleures choses, et, de nos jours, il se pourrait que ce soit pourtant le cas avec la Science...
6/ De l’islam à la constitution
Dans un tout ordre d’idées, la question des activités terroristes liées à l’Islam est restée ouverte, ne serait-ce que du fait du procès-fleuve « du Bataclan », qui a au moins largement entravé la circulation dans Paris pendant six mois (et peut-être, de ce fait réjouit les vrais djihadistes, qui, au moins, auront ainsi imprimé leur marque sur la Société française).
Le sujet, certes, n’aura pas été au cœur des récentes campagnes électorales, peut-être grâce à l’Ukraine. Il est tout de même resté en bruit de fond, comme en témoigne par exemple une note de Catherine Fournier et Eloïse Bartoli sur France Info du 6 avril (22_03_25) : l’arsenal législatif relatif aux fermetures de mosquées a été notablement renforcé durant le premier quinquennat d’Emanuel Macron... mais avec quelle efficacité ? Aux yeux des deux auteurs, cela aura même été plutôt contre-productif, car les djihadistes ont bien compris que ce n’était pas par les mosquées qu’il fallait passer pour élargir leur audience...
Reste évidemment que la question est toujours ouverte, et pourra redevenir chaude au premier attentat réussi... De ce point de vue, Xavier Fontanet dans Contrepoint (22_03_25) met en cause la constitution, qu’il compare à la constitution de la Suisse : celle-ci laisse beaucoup plus l’initiative aux cantons, le gouvernement fédéral ne s’occupant que des questions vraiment fondamentales : la défense, la politique étrangère et la monnaie. Il en résulte un système économique beaucoup plus efficace dans le long terme, en même temps qu’une paix sociale remarquable. En particulier, les immigrés, en Suisse, ne songent qu’à s’intégrer, cependant que les djihadistes n’y ont jamais tenté le moindre attentat...
Peut-être est-il un peu exagéré de relier l’absence de djihadisme en Suisse à la constitution de ce pays. Dans le cas de la France, il est assez évident que le phénomène est plutôt lié au passé colonial du pays qu’à sa constitution. Et l’on sait que « corrélation n’est pas causalité » - un axiome trop souvent oublié !
Il reste que la constitution française est souvent mise à toutes les sauces, par exemple on veut y inscrire le « droit à l’avortement » : or, quelle que puisse être notre opinion sur l’avortement, s’il est tout à fait possible de sanctifier ce droit dans la Loi, il est évidemment absurde de l’inscrire dans la Constitution qui n’est pas faite pour cela...
6/ Les retraites
Et pour finir, il faut parler des retraites, puisqu’elles reviennent sur le tapis avec l’élection présidentielle, et les hésitations d’Emmanuel Macron. En fait, les derniers documents publiés sur la question reviennent toujours sur l’éternel débat relatif aux avantages de la capitalisation vis-à-vis de la répartition.
C’est ainsi que Jacques Garello, dans Contrepoint (3_22_20), traite de fausse question celle de l’âge du départ à la retraite, et affirme que seul le retour à la capitalisation permettra de résoudre le problème de l’équilibre des comptes correspondants. L’argument central - déjà souvent évoqué ici - est que l’épargne constituée par les prélèvements effectués sur les actifs cotisants, correctement investie, va permettre de créer les marchandises que ces mêmes cotisants consommeront lorsqu’ils prendront leur retraite. En outre, ces mêmes cotisants pourront choisir librement de prendre une retraite précoce, avec une petite pension, ou tardive, avec une pension élevée. Garello oppose cette liberté à la bureaucratie de la « répartition », qui oblige une génération à travailler pour la précédente, sans avantage en termes de croissance.
L’argument est séduisant, mais peut-être pas si convaincant qu’il ne paraît... Car cela, sans doute, marcherait bien dans le monde « parfait » de Frédéric Bastiat ou de Friedrich Hayek. Mais avec les guerres, l’inflation, les crises et toutes ces incertitudes congénitales au monde économique réel, peut-être vaut-il mieux assurer les choses, fût-ce au prix de quelques sacrifices de la génération montante en faveur de la précédente. Aussi bien, la génération montante, elle-même, devrait être traitée par la suivante comme elle aura fait de la précédente...
De fait, en face de cet article « orthodoxe », François de Closet dans l’Express (22/03/23) défend vigoureusement la répartition comme méthode ainsi que comme solution, l’élévation de l’âge de la retraite (au moins pour les métiers « pas trop pénibles) au motif que la question relève d’une lutte imbécile et parfaitement égoïste entre les générations. Il en a beaucoup contre les « boomers », héritiers de mai 68 , qui ne pensent qu’à eux, et qui ont détruit la France ... ;
Ici encore, il y a sans doute pas mal d’exagération dans de portrait au vitriol de la génération actuellement aux manettes en France. Mais il est difficile de le contredire formellement. C’est pourtant ce que fait Jacques Bichot dans Contrepoint (22/03/21). Il renvoie dos à dos les articles précédents, affirmant qu’il n’y a pas de différence fondamentale entre la « répartition » et la « capitalisation », parce que les gens qui font des enfants épargnent et investissent aussi en élevant ces derniers, les scolarisant, les rendant aptes à produire à leur tour. Ils se privent par-là de bénéfices plus égoïstes, et par conséquent, épargnent et investissent pour l’avenir, exactement comme le font les clients des caisses de retraite par capitalisation.
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La suite au prochain numéro !
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